N° 2 - Décroissance & travail (en ligne)
La question du travail réunit toutes celles de notre temps d’intranquillité. La crise sociale, la crise écologique et la crise des valeurs culturelles ont fissuré l’ancien édifice qui abritait les vertus qu’on prêtait naguère au travail.
Pour sortir de l’impasse dans laquelle le « funeste credo de croître » sans limites nous a entraîné, il apparaît évident qu’il faut revisiter l’immémoriale interrogation sur la finalité des activités humaines. Si l’approche économique a pour tâche d’analyser rigoureusement les lignes de fractures et les failles d’inhumanité que révèle le travail aliéné, elle doit s’enrichir par une vision audacieuse et des propositions désirables afin de réorienter notre anthropologie de la vie quotidienne, de retrouver un sens fraternel et un horizon dégagé des absurdités présentes.
L’idée de décroissance, au-delà de son caractère bravant l’air du temps, réanime notre lucidité et remet le travail à sa juste place, à côté de l’oeuvre et de l’action, pour que chacun puisse, dans un même élan, rechercher son autonomie et son accomplissement. Démarches volontaires et insé¬parables, certainement, du bouleversement radical de la société dans laquelle nous ne cessons d’apprendre et d’exercer « le métier de vivre ».
Sommaire
Décroissance et travail. Jean-Claude Besson-Girard
Centralité du travail et institution de la société
Décroissance, plein emploi et sortie de la société travailliste. Serge Latouche
Désaliéner le travail pour économiser les ressources. Jean-Marie Harribey
Produire moins, produire mieux, préserver l’emploi. Laurent Cordonnier et Franck Van de Velde
Crise mondiale, décroissance et sortie du capitalisme. André Gorz
Le travail en question
André Gorz ou le refus de la domination du travail. Françoise Gollain
L’effacement du travail, une approche anthropologique. Geneviève Decrop
Activité humaine ou travail inhumain. Maurizio Pallante
La dégradation du travail productif. Paul Ariès
Situation des femmes et travail aliéné
Féminisme, décroissance et travail postmoderne. Bernard Guibert
La supercherie de l’externalisation des tâches domestiques. Sandrine Rousseau et François-Xavier Devetter
Hors champ
Lip. Les effets formateurs d’une lutte collective. Charles Piaget
La technique et le « rez-de-chaussée de la civilisation ». Daniel Cérézuelle
Comment sortir de l’industrialisme ? Jean Monestiér
De la cécité volontaire. François Brune
Les mésaventures d’un objecteur de croissance. Willem Hoogendijk
Les claques du vent de la pensée sauvage. Jacques Fradin
Notes de lecture
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Situation des femmes et travail aliéné
21 octobre 2021, par Entropia
Décidément, il faut « prendre au sérieux et jusqu’au bout l’anthropologie d’Hannah Arendt en ne la limitant pas à ce qu’elle appelle la vie active, mais en complétant cette dernière par la reconnaissance mutuelle des œuvres et des actions de chacun afin d’aboutir au plein épanouissement de chacun ». Telle est, pour Bernard Guibert, la piste qu’il faut suivre pour resituer le travail salarié, en particulier celui des femmes, dans la recherche du sens des activités humaines. S’il est (...)
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Activité humaine ou travail inhumain
21 octobre 2021, par Maurizio Pallante
Si le nombre de ceux qui produisent eux-mêmes des yaourts augmentait de façon significative (ce qui n’arrivera pas, puisque l’en- semble du système continuera à faire croire qu’aller les acheter est un progrès et une libération), la demande de yaourts industriels baisserait. Par conséquent, les industries de ce secteur devraient réduire le nombre de leurs employés et leurs commandes de petits pots de plastique, de couvercles d’aluminium et de cartons imprimés pour les emballages. Les (...)
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L’effacement du travail, une approche anthropologique
21 octobre 2021, par Geneviève DECROP
La valeur-travail est indissociable du capitalisme. Dans les économies productivistes, elle est même présente deux fois : sous la forme marchande et sous la forme morale. C’est le trait d’union entre les économies libérales de marché et les économies dirigées d’inspiration marxiste. L’« armée industrielle » du travail, à l’Ouest comme à l’Est, voilà l’outil par excellence de la puissance... et de la prédation du monde. Une pensée de la « décroissance », du coup, a sa voie toute tracée : (...)
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André Gorz, ou le refus de la domination du travail
20 octobre 2021, par Françoise Gollain
J’ai découvert André Gorz en 1978 lorsque j’étais jeune étudiante. Je sentais, encore confusément à l’époque, que le carriérisme et l’idéal de bonheur par la consommation étaient des pièges. Ses écrits m’ont alors donné les mots, comme à bien d’autres de ma génération, pour exprimer mon refus d’une existence centrée sur le travail et la poursuite de l’accumulation matérielle. J’espère établir ici à quels titres il est sans conteste un « père de la décroissance », bien qu’il ne soit guère (...)
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Le travail en question
19 octobre 2021, par Entropia
Partant de son propre refus d’une existence centrée sur le tra-vail et l’accumulation matérielle, Françoise Gollain rend hommage à André Gorz dont l’engagement éthique, philosophique et politique a éclairé son parcours. Sa contribution n’est pas seulement une synthèse des réflexions et suggestions de l’auteur d’Écologie et politique, c’est une invitation stimulante à poursuivre la réflexion sur les pistes défrichées par cette œuvre exemplaire. L’antiproductivisme, l’autonomie, l’abolition (...)
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Crise mondiale, décroissance et sortie du capitalisme
19 octobre 2021, par André Gorz
Jean-Marie Vincent In memoriam
La décroissance est une bonne idée : elle indique la direction dans laquelle il faut aller et invite à imaginer comment vivre mieux en consommant et en travaillant moins et autrement. Mais cette bonne idée ne peut pas trouver de traduction politique : aucun gouverne- ment n’oserait la mettre en œuvre, aucun des acteurs économiques ne l’accepterait – à moins que sa mise en œuvre ne soit fragmentée en mesures subalternes, étalée sur une ou plusieurs (...)
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Produire moins, produire mieux, préserver l’emploi
19 octobre 2021, par Franck Van de Velde,
Laurent Cordonnier
Les défenseurs du plein-emploi et les promoteurs d’un modèle de développement plus respectueux de l’environnement ne sont pas toujours en bons termes les uns avec les autres, dans la mesure où ils pensent que ces deux objectifs sont en partie contradictoires. Et comme ces deux objectifs cohabitent souvent au sein des mêmes « esprits », ces esprits eux-mêmes sont tiraillés par des contradictions internes. Ils pensent en substance que pour obtenir le plein-emploi il faudrait plus de (...)
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Désaliéner le travail pour économiser les ressources
19 octobre 2021, par Jean-Marie HARRIBEY
« La vraie richesse étant la pleine puissance productive de tous les individus, l’étalon de mesure en sera non pas le temps de travail, mais le temps disponible. » [Marx, 1968, p. 308]
Le chômage de masse, la précarité, l’intensification du travail, sa flexibilisation, les multiples atteintes au droit du travail sont dus aux bouleversements d’un capitalisme de plus en plus libéralisé, qui n’a de cesse d’élargir la base de l’accumulation et le champ de la marchandise, fût-ce au prix du (...)
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Décroissance, plein emploi et sortie de la société travailliste
19 octobre 2021, par Serge LATOUCHE
« Le système économique produit des richesses croissantes avec une quantité de travail décroissante. Mais il refuse de redistribuer le travail de telle sorte que tout le monde puisse travailler moins et mieux, sans perte de revenu. Il préfère qu’une partie de la population travaille à plein temps, qu’une autre partie soit en chômage et qu’une troisième partie, de plus en plus nombreuse, travaille à temps réduit et à salaire réduit. » André Gorz
« Changer la vie », slogan des socialistes (...)
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Centralité du travail et institution de la société
19 octobre 2021
Interroger la finalité des activités humaines, travailler moins et mieux, partager les ressources et les richesses forment, pour Serge Latouche, le socle d’un projet politique permettant de sortir de la société travailliste. Il affirme que la transformation qualitative du travail, en faisant décroître les valeurs économiques, ouvre au désir de réenchanter la vie. Fervent partisan de la réduction du temps de travail, Jean-Marie Harribey souligne, de son côté, qu’aucune loi économique ne (...)