André Gorz, ou le refus de la domination du travail

mercredi 20 octobre 2021, par Françoise Gollain

J’ai découvert André Gorz en 1978 lorsque j’étais jeune étudiante. Je sentais, encore confusément à l’époque, que le carriérisme et l’idéal de bonheur par la consommation étaient des pièges. Ses écrits m’ont alors donné les mots, comme à bien d’autres de ma génération, pour exprimer mon refus d’une existence centrée sur le travail et la poursuite de l’accumulation matérielle. J’espère établir ici à quels titres il est sans conteste un « père de la décroissance », bien qu’il ne soit guère cité par ceux qui se rangent derrière cette bannière [1]. S’il est hors de question d’esquisser en quelques lignes un riche parcours de presque soixante années, les lignes qui suivent se proposent en revanche d’offrir tout à la fois une introduction à certains aspects susceptibles d’intéresser comme d’interroger les acteurs de l’écologie radicale d’aujourd’hui. Elles serviront également de mise en contexte à la contribution de Gorz à cette livraison. Je rappellerai brièvement l’engagement d’ordre éthique et philosophique qui sous-tend son engagement politique à travers l’écriture, avant d’esquisser les grandes lignes de son projet d’émancipation, dont le contenu est étroitement lié à sa conception du travail, de la modernité et du politique. Dans un second temps, l’examen de son analyse des dernières mutations du capitalisme devrait permettre de préciser davantage le contenu de ce projet.

Antiproductivisme, existentialisme, marxisme
Les ouvrages d’André Gorz ainsi que ses très nombreux articles tirent leur cohérence profonde des fondements philosophiques, pourtant moins connus ou discutés, de son œuvre [2]. C’est une orientation existentialiste – il fut fasciné par Sartre dès 1943 –, mais aussi phénoménologique qui rend intelligible sa critique du travail, ainsi que du paradigme mécaniste et productiviste qui constitue l’assise du capitalisme, et en fait autant d’étapes d’un long combat pour le sujet. Et c’est bien parce qu’il se plaçait dans une telle perspective qu’il put, dès les années cinquante, penser l’échec des sociétés « avancées » – capitalistes ou « socialistes » – à satisfaire les besoins existentiels des individus. Il a dénoncé particulièrement vivement la soumission des individus, dans leurs besoins et désirs autant que dans leur travail, au modèle dominant de consommation des sociétés capitalistes. Car se trouve en effet au premier plan dans ses écrits l’expérience faite par des sujets vivants de la dénégation de leur liberté par des forces qui dépassent leur contrôle. Le fil rouge à travers son œuvre est incontestablement la question de la liberté ou, plus exactement, de la centralité de la relation entre liberté et non-liberté ou encore, selon les termes d’Ivan Illich, entre hétéronomie et autonomie, et notamment celle de la préservation de nos espaces d’autonomie face à l’extension des logiques marchandes ou technocratiques. Cette centralité du sujet et cette exigence d’autonomie individuelle et collective, présente dès ses premières analyses, a très tôt débouché sur une critique sociale qui me semble absolument incontournable pour qui veut défier un certain nombre de présupposés qui sont aujourd’hui monnaie courante dans l’altermondialisme – et au premier chef la focalisation sur la croissance et l’emploi comme biens incontestés.

Donnant corps à ses positions philosophiques, Gorz a construit un projet émancipateur singulier à travers son engagement aux côtés des penseurs et militants radicaux de son époque, en marge de l’institution universitaire et par son travail de journaliste tout d’abord. À travers ses écrits antiproductivistes dans les colonnes du Nouvel Observateur et du mensuel écologiste Le Sauvage, sous le pseudonyme de Michel Bosquet, il s’est notamment imposé comme l’une des figures de l’écologie radicale des années soixante-dix. L’écologie gorzienne est une écologie politique, une écologie qui porte un projet de société en rupture avec l’idéologie techniciste et l’économisme dominant. Il a d’ailleurs très tôt mis en garde contre le pouvoir d’une technocratie verte, contre un environnementalisme qui se contenterait de gérer le développement du capitalisme dans des limites acceptables sans rompre avec un économisme même bien intentionné. S’il fut l’un de ceux qui ont attiré l’attention sur la menace pesant sur les équilibres naturels, il n’existe cependant pour lui aucune détermination écologique simple qui dicterait avec certitude le chemin à suivre, faisant l’économie de l’analyse sociologique et de la délibération politique. Il est à cet égard essentiel de comprendre que son écologie puise dans une lecture hétérodoxe des textes de Marx sur la base de laquelle il n’a eu de cesse de disséquer la dynamique d’un mode de production, le capitalisme. Ni le rejet en bloc ni l’adoption comme vérité révélée des textes de Marx ne sont acceptables. Ceux-ci constituent pour Gorz des instruments intellectuels irremplaçables bien qu’inachevés et contradictoires. Son livre La Morale de l’histoire [3] a d’ailleurs constitué la première ébauche d’une théorie de l’aliénation offrant une perspective critique sur le marxisme. « L’exigence éthique d’émancipation du sujet implique la critique théorique et pratique du capitalisme, de laquelle l’écologie est une dimension essentielle [...] Ce mode de production exige la maximisation des rendements et recourt à des techniques qui violent les équilibres biologiques », déclarait-il encore récemment [4].

Libération du temps et défense de l’autonomie
Sa lecture existentialiste de Marx fondera en dernière instance son effort de penser ce qu’il en serait d’un au-delà du capitalisme, mais également d’un au-delà d’un socialisme fondé sur la religion du travail. Il posera qu’il existe non seulement des limites écologiques, mais encore des limites existentielles à l’économique et au règne de la marchandise. Chacun de ses écrits développe alors une réflexion sur la préservation d’un monde vécu, d’une culture du quotidien, qui passe obligatoirement par la possibilité de vivre mieux tout en consommant moins. Comme Illich, qu’il a contribué à faire connaître en France, il considère que le moteur du système, la croissance, est une fuite en avant insoutenable. Au contraire, « “mieux” ce peut être “moins” : créer le minimum de besoins, les satisfaire par la moindre dépense possible de matières, d’énergie et de travail, et en provoquant le moins possible de nuisances [5] », écrivait Gorz dans l’essai « Écologie et liberté », d’une actualité étonnante à l’ère de la mondialisation dévastatrice. Il montre que la généralisation progressive du travail salarié comme moyen exclusif de satisfaire nos besoins et d’être intégré socialement signifie que nous sommes forcés à des tâches dont nous ne contrôlons ni l’organisation ni le but. Bien sûr, nous recevons en échange un dédommagement monétaire qui nous donne accès à une montagne de consommations marchandes, mais, et c’est essentiel, nos capacités d’action autonome sont progressivement détruites, réduisant ainsi notre liberté à un choix parmi des consommations et des divertissements, et les seules revendications pensables tendent à porter sur la consommation [6]. Contre une « croissance destructrice », il convient de rendre possible une « décroissance productive », fondée sur des décisions de production et de consommation prises sur la base des besoins des gens, et supposant un consensus sur les limites (norme du suffisant), et une gestion visant la plus grande efficacité possible – donc le minimum de travail, de capital, de ressources, et une réduction de la production marchande, réitère-t-il dans ses Adieux au prolétariat [7]. Ceci est la conviction qui a soutenu sa défense de la réduction du temps de travail, ce pour quoi il est sans doute le plus connu [8]. Au-delà, sa perspective ultime, l’utopie qui l’anime, est la libération du temps par l’abolition de la société salariale.

Cette limitation volontaire et collective de « la sphère de la nécessité » permet une expansion de « la sphère de l’autonomie », écrivait- il dans les années quatre-vingt. Il porte aujourd’hui un regard critique sur cette période pendant laquelle il s’exprimait comme s’il pouvait exister une sphère dans laquelle le sujet ferait l’expérience d’une autonomie absolue (par opposition à une sphère de l’hétéronomie absolue) [9]. Cependant, sa thèse fondamentale demeure : la libération du temps visée par la mise en question de la centralité du travail-emploi n’amorce le dépassement de la logique capitaliste qu’à cette condition : la prépondérance des activités autonomes sur les activités hétéronomes. En outre, même un revenu social garanti pour lequel il milite sous des formes différentes depuis Les Chemins du paradis [10]] – le plus visionnaire peut-être de ses ouvrages, dans lequel il développe les thèses d’Adieux au prolétariat – signifie impuissance et subordination des individus face aux institutions s’il n’y a pas auto-production de valeurs d’usage. Au-delà de la richesse marchande, les richesses intrinsèques sont ailleurs, « par exemple dans la qualité du milieu de vie, la qualité de l’éducation, les liens de solidarité, les réseaux d’aide et d’assistance mutuelles aussi les savoirs et les capacités des gens » ; tel est le message, même si les termes ont changé avec le temps. Tandis que l’actuelle équipe au pouvoir s’attaque au dispositif, même critiquable, des 35 heures et incarne parfaitement notre « société de travail », qui abolit massivement le travail mais le perpétue en même temps comme norme et comme obligation pour mobiliser les individus à des coûts de plus en plus réduits, Gorz continue de rappeler que le temps, celui de la vie, vaut en soi et non par sa productivité.

Avant d’examiner plus en détail les rapports entre hétéronomie et autonomie qui conditionnent sa définition du politique, il vaut la peine de préciser quelque peu la nature de ce travail-emploi autour duquel la société salariale moribonde est organisée, de manière à saisir le sens de ses écrits de la dernière décennie.

Abolition du salariat
Si dans l’emploi, la dimension anthropologique du travail n’est jamais totalement absente, en tant que travail que l’on effectue, elle reste néanmoins subordonnée à l’impératif de la valorisation. Abolir la société salariale reviendrait donc à libérer le travail de la tyrannie de l’emploi et à la « fin de la tyrannie qu’exercent les rapports de marchandises sur le travail au sens anthropologique [11] ». Dépérissement du salariat et dépérissement des rapports marchands sont intimement liés dans le projet gorzien, et ce dès Adieux au prolétariat, qui constitue le premier tournant de son œuvre.

La thèse globale de sa Critique de la division du travail [12] était que la division capitaliste du travail n’a pas de nécessité objective, mais répond aux exigences de l’accumulation qui sont « la source de toutes les aliénations ». L’ouvrage s’inscrivait dans la ligne de Stratégie ouvrière et néo-capitalisme [13] puisque qu’il était une incitation à la résistance ouvrière à l’aliénation dans le travail. Or, dans Adieux au prolétariat, il avance que l’utopie – présente dans certains textes de Marx et reprise par le mouvement ouvrier – de la coïncidence du travail fonctionnel et de l’activité personnelle, et partant d’une appropriation véritable du travail, est irréalisable à l’échelle des grands systèmes. Le postulat qui déterminera, à partir de 1980, toute la critique gorzienne du travail salarié est que les rapports de domination sont inhérents au fonctionnement de la mégamachine industrielle-bureaucratique, comme il le rappelle dans sa contribution. La dimension des unités de production, la fonctionnalité de chacun des rouages, la division du travail à l’échelle d’espaces économiques transnationaux font qu’il est impossible que ses fins se reflètent dans le travail de chacun. Cette hétéro-détermination implique donc nécessairement une part d’aliénation, et même l’autogestion n’implique pas autodétermination par les travailleurs. En un mot, l’autonomie formelle dans l’exécution et les rapports de travail est non négligeable, mais reste une autonomie limitée qui ne peut en aucun cas être confondue avec l’autonomie existentielle.

Son attaque, dans Adieux au prolétariat, du marxisme vulgaire à l’Ouest comme des socialismes de l’Est, pour leur culte quasi mystique et déterministe du Prolétariat (et de sa mission) et de la Production avait dressé contre lui les orthodoxies, syndicale comme marxiste. Son propos explicite était d’ailleurs de dégager des orientations à partir desquelles une « gauche porteuse d’avenir » serait susceptible de renaître. Il positionne toujours son utopie comme « au-delà du socialisme » : « Le communisme, ça n’est ni le plein emploi, ni le salaire pour tout le monde, c’est l’élimination du travail sous la forme historiquement spécifique qu’il a dans le capitalisme, c’est-à-dire du travail emploi, du travail marchandise [14]. »

En outre, Gorz considère déjà en 1980 que les mutations technologiques rendent « rigoureusement impossible de rétablir le plein- emploi par une croissance économique quantitative. « L’alternative est plutôt entre deux façons de gérer l’abolition du travail : l’une qui conduit à une société du chômage, l’autre qui conduit à une société du temps libéré » et affirme que « la façon de gérer l’abolition du travail et sa maîtrise sociale sont des enjeux politiques centraux des décennies à venir [15]. »

Hétéronomie et autonomie, communauté et société, le politique
Ayant repris la distinction d’Illich autonomie-hétéronomie dans Écologie et politique, Gorz expose alors dans Adieux au prolétariat son projet d’une société socialiste dans laquelle la sphère de l’hétéronomie aurait été subordonnée à la sphère de l’autonomie. Cette représentation dichotomique sera ensuite formulée dans un autre langage : dans Métamorphoses du travail, sa critique du capitalisme se développe comme critique de la raison économique [16] et donne forme à son projet émancipateur. À la suite de Karl Polanyi, il définit l’essence du socialisme comme subordination des activités économiques à des fins et à des valeurs sociétales, puis reprend longuement cette définition dans Capitalisme, socialisme, écologie. Désorientations, orientations : « La reconstruction écologique de la société exige que la rationalité économique soit subordonnée à une rationalité écosociale », et « si [elle] doit résulter non pas d’un dirigisme technocratique et autoritaire mais de la reconstitution d’un monde vécu, la décroissance de la production de marchandises et de services marchands devra être réalisée grâce à une autolimitation des besoins se comprenant elle-même comme une requête de l’autonomie, c’est-à- dire grâce à une réorientation démocratique du développement économique, avec réduction simultanée de la durée du travail et extension, favorisée par des équipements collectifs ou communautaires, des possibilités d’autoproduction coopératives ou associatives. Des politiques dans ce sens doivent être engagées à l’échelle de l’Europe, d’un espace éco-social européen [17]. » Cette « réorientation démocratique » nous ferait passer d’une société productiviste, ou société de travail (Arbeitsgesellschaft) à une société du temps libéré (Kulturgesellschaft), où le culturel et le sociétal l’emporteraient sur l’économique.

Il importe néanmoins de saisir que Gorz affirme à la fois la nécessité d’instances de régulation supra-locales et d’une orientation libertaire qui le rapproche des militants de la décroissance. Dans Misères du présent, richesse du possible [18], il renoue avec certaines préoccupations de Métamorphoses du travail sous la forme d’une réflexion sur le politique qu’il conçoit comme médiation entre communauté et société [19]. L’importance qu’il accorde aux médiations nécessaires entre niveaux micro- et macro-social le conduit à une mise en garde forte contre le piège du communautarisme et le fantasme de l’abolition du politique. Les nécessités administratives des sociétés complexes ne sauraient être satisfaites par la coopération consensuelle des communautés ; il convient alors d’organiser une sphère aussi petite que possible de la régulation sur un mode hétéronome. Pour lui, « la politique [...] ne disparaîtra pas par enchantement au profit des rapports communicationnels et consensuels des communes. Que la communauté villageoise n’est pas extensible à l’échelle planétaire, ni la coopérative autogérée ; que la richesse d’une société et d’une civilisation dépend aussi de l’existence de grandes collectivités territoriales, de villes assez grandes pour qu’y puissent exister des activités très spécialisées et minoritaires [...], mais aussi de grands appareils et services publics [...]. Et que tout cela suppose que la société produise un “surplus économique” accumulable, donc qu’il subsiste une monnaie équivalent universel, des règles connues et applicables à tous, donc un droit, un appareil du droit, un organe de coordination et de péréquation, bref ce qu’on appelle un État [20] ».

« Ce qui est possible en revanche, c’est que la coopération productive et les échanges sociaux auto-organisés se chargent de plus en plus d’une dimension politique, par laquelle est prise en compte l’insertion des activités locales dans leur contexte plus large [21]. » Selon cette conception, « la politique est l’espace spécifique de la tension, toujours conflictuelle, entre les pôles opposés de la communauté et de la société [...] ou encore, plus profondément, entre le domaine de l’autonomie et celui de l’hétéronomie, c’est-à-dire de la capacité d’autodétermination et d’autorégulation des individus et des groupes, d’une part, et d’autre part, des contraintes qui résultent du fonctionnement de la société en tant qu’ensemble d’institutions et d’appareils [22] ». Préserver la sphère du monde vécu équivaut, sans aucun doute possible, à garantir l’existence d’une véritable citoyenneté agissante, mais on peut supputer que le lien consubstantiel entre autonomie et processus démocratique ne se limite pas aux formes de démocratie participative [23].

On aura reconnu que la réintrication de l’économique préconisée ici constitue également le point de convergence des diverses composantes d’un large mouvement actuel, mais celle-ci ne repose pas uniquement sur les relations transversales solidaires sur laquelle insistent les acteurs du mouvement de la décroissance.

Nous pouvons maintenant aborder l’autre grand pan de l’œuvre de Gorz, pour faire apparaître la singularité de sa perspective sur la crise actuelle dans laquelle, affirme-t-il, le capitalisme s’enfonce depuis 20 ans.

Une économie de la connaissance
Gorz avait entretenu des contacts avec certains courants de l’operaïsme italien durant les années soixante et soixante-dix, notamment

Lotta Continua, et était proche en France des thèses de Jean-Marie Vincent [24]. À partir des années quatre-vingt-dix, il approfondit son analyse de la mutation du capitalisme avec la lecture des revues Futur Antérieur [25], Alice [26], et Multitudes [27], et de Moishe Postone et Robert Kurz ; ce qui le conduit à effectuer le second tournant de son œuvre avec Misères du présent, richesse du possible puis L’Immatériel [28], son dernier ouvrage théorique. Tous ces textes ont en commun de s’intéresser au Marx critique de la valeur des œuvres de la maturité [29].

Gorz pose maintenant que le capitalisme postmoderne est centré sur le travail immatériel et la valorisation du capital humain. Même s’il y a bien sûr coexistence de plusieurs modes de production à l’échelle planétaire, « la fourniture de services, le travail immatériel, devient la forme hégémonique de travail, le travail matériel est envoyé à la périphérie du procès de production ou est carrément externalisé. Il devient un “moment subalterne” de ce procès, bien qu’il demeure indispensable et même dominant du point de vue quantitatif. Le cœur de la création de valeur est le travail immatériel [30] ». Ceci signifie que « la valeur d’échange des marchandises, matérielles ou non, n’est plus déterminée en dernière analyse par la quantité de travail social général qu’elles contiennent, mais, principalement, par leur contenu de connaissances, d’information, d’intelligence générales [31] ».

Ce travail dit immatériel, auquel les étalons classiques de mesure ne sont plus applicables, repose à la fois sur des connaissances formalisables et sur des capacités expressives et coopératives développées dans la culture du quotidien :
— La part formalisée de cette connaissance sous forme de logiciels produits à coût très faible « économise des quantités immenses de travail rémunéré et par conséquent diminue ou même annule la valeur d’échange monétaire d’un nombre croissant de produits et de services [32] ». Susceptible d’être mise en commun par Internet, elle fait donc tendre l’économie vers la gratuité. Nous y reviendrons.
— La connaissance, devenue force productive principale est également « en grande partie “intelligence générale”, culture commune, savoir vivant et vécu [33] ». Le travailleur postfordiste doit en effet faire preuve d’implication subjective ainsi que de qualités personnelles de communication et d’expression qui font partie intrinsèque de la culture du quotidien [34]. Ces capacités participent d’abord de l’humanité des individus et de la culture de l’humanité et n’accroissent la productivité du capital que par-dessus le marché, sans y avoir vocation. En d’autres termes, elles sont richesses intrinsèques avant d’être marchandises.

Il y a depuis toujours prédation d’externalités positives par le capitalisme – on pense au travail des femmes par exemple. Il faut désormais compter les logiciels ainsi que ces capacités et savoirs vivants au titre des biens collectifs de l’humanité appropriés par le Capital (semences, eau, etc.). On voit par ailleurs que la mise en commun et le libre accès sont la vocation de l’économie de la connaissance sous ses deux aspects. Ceci signifie que les activités productrices de valeur s’appuient sur des activités qui n’obéissent pas à la loi de la valeur. Essentielle à sa sortie de la crise du fordisme, cette économie de la connaissance à haute productivité le précipite par conséquent vers une autre crise.

La crise de la valeur
Le capitalisme est, nous l’avons vu, sorti de la crise du modèle fordiste par différents biais, dont une très haute productivité du capital liée à la fameuse révolution informationnelle ; ce qui entraîne des économies de travail, puisqu’à une productivité accrue correspond un nombre global plus faible d’actifs dont le travail valorise du capital [35], tandis qu’à l’inverse l’innovation technique continuelle réclame des moyens financiers très supérieurs au coût du travail.

Prenant à contre-pied les analyses d’autres critiques du capitalisme mondialisé, il pose qu’avec le postfordisme nous sommes témoins non pas tant d’une salarisation de masse que d’une production de masse de surnuméraires sans aucun espoir d’intégration au marché mondial comme producteurs-consommateurs. L’augmentation des productions qui valorisent du capital faisant dépérir celles qui n’en valorisent pas – et ceci à l’échelle planétaire – entraîne en effet la prolétarisation forcée des populations rurales et l’urbanisation en bidonvilles. La jobless economy dont on a fait tant de cas à propos des États-Unis est un phénomène planétaire et le retour au plein emploi est une chimère.

Cette production croissante de marchandises associée à une diminution du volume global du travail rémunéré crée un problème croissant de solvabilisation de la demande et entraînerait la diminution de la valeur globale de la production et donc des profits, si n’étaient mises en œuvre deux stratégies :
— La création d’argent fictif et de bulles spéculatives d’une part. Le développement du crédit à la consommation sur la base de profits futurs et fictifs ne résout que temporairement le problème de la contraction de la masse salariale parce que la crise financière entraînera immanquablement une dépression majeure [36].
— L’instauration de rentes de monopole d’autre part (brevetage dans les domaines les plus divers, phénomène des marques, etc.) ; autrement dit, la création artificielle de rareté de la connaissance par limitation artificielle de son accès. La valeur des marchandises à fort contenu immatériel résulte de ce monopole de connaissance, de cette entrave à l’appropriation collective. Pour que le capitalisme cognitif fonctionne comme capitalisme, écrit Gorz, il se doit d’entraver l’évolution vers « une économie de l’abondance ». Car la connaissance devrait être traitée comme un bien commun universel ; y compris dans sa forme digitale comme le démontrent les utilisations subversives de l’Internet des communautés anarcho-communistes des logiciels libres.

Revenu social contre capitalisme financier
D’où la nouvelle proposition de Gorz qui se veut en cohérence avec la mutation postfordiste qui fait de la connaissance la principale force productive, comme l’avait prévu Marx dans les Grundrisse : l’« allocation universelle et inconditionnelle d’un revenu de base cumulable avec le revenu d’un travail [37] ».

Gorz avait longtemps refusé de découpler totalement emploi et revenu parce qu’il affirmait qu’un emploi confère reconnaissance, droits, pleine citoyenneté, maîtrise de soi et du monde environnant comme travail effectué. À mesure que le poids de sa nécessité diminue, il doit être réparti équitablement pour qu’il diminue également, dans la vie de chacun, en attribuant à chaque individu un revenu en échange de 20 000 heures de travail sur toute la vie, suggérait-il alors dans Les Chemins du paradis. À partir de Misères du présent, richesse du possible, la référence à la réduction continue du temps de travail demeure, mais l’accent se déplace très sensiblement vers la garantie du revenu : il propose d’offrir à tous un revenu d’existence suffisant et continu dans un contexte où, souvent par la force des choses, l’activité salariée est de plus en plus discontinue. En effet, notre économie de croissance détruit non seulement des emplois, mais elle les partage inégalement, sous la forme de temps partiels sous-payés, de chômage et de précarité généralisée. Lorsque le temps de travail cesse d’être la mesure du travail, un revenu garanti permettrait de faire un pas vers une distribution plus égalitaire de la richesse, fruit d’une grande sophistication et d’une haute productivité, et de renverser la tendance à la production structurelle d’insécurité qui caractérise le capitalisme mondialisé.

Tandis que le développement de soi a un sens, la production et la productivité recherchées pour elles-mêmes ne sont que des absurdités capitalistes. C’est pourquoi Gorz préconise désormais de donner un sens aux gains de productivité avec un revenu qui ne soit pas distribué en fonction de notre autovalorisation sur un marché. Ce revenu doit être non seulement suffisant et universel, mais encore inconditionnel, car la contribution de chacun – sciemment ou non – à la richesse sociale est non mesurable. Il n’est donc plus compris comme rémunération pour la production de richesse, mais comme condition de possibilité du déploiement des activités qui sont une richesse en elles-mêmes. L’écart augmentant toujours entre la capacité de produire et la capacité de vendre avec profit, c’est-à-dire entre la richesse productible et sa forme marchandise, un revenu social accorderait l’importance qu’elles méritent aux richesses qui ne peuvent prendre cette forme valeur de la marchandise et de l’argent.

Comme l’exprime sa contribution à ce numéro, sa volonté de s’inscrire dans une logique de dépassement de l’argent, de la marchandise et du travail marchandise – trois formes de la valeur – l’a tout récemment mené à l’idée d’un revenu qui se situerait au-delà de la forme argent. Convaincu du fait que les mécanismes mêmes du capitalisme le conduisent à son extinction/dépassement et de la vraisemblance d’un effondrement du système monétaire international, il argue maintenant de la nécessité de monnaies d’une nature différente de l’argent, à circulation limitée (locales) et péremption courte, et est convaincu que la crise nous condamnera à l’inventivité dont ont dû faire preuve les Argentins, de façon à faire émerger une « économie » de la production de richesses et non plus de valeurs marchandes. Ces monnaies seront portées par « une vague de fond », « d’en bas ».

Les acteurs du changement
Gorz s’interroge depuis toujours sur les médiations possibles entre le système industriel et la société salariale, et des formes de sociétés postindustrielles et postsalariales. Il continue aujourd’hui de miser sur la capacité des sociétés modernes à se dépasser vers une autre modernité et, en l’occurrence, à réaliser une libération du temps promise par le développement sans précédent des technologies. C’est précisément la raison pour laquelle il considère qu’une utopie désindustrialiste qui prônerait un retour aux économies villageoises, communautaires, et à production essentiellement artisanale et autarcique, est une théorie à caractère prémoderne, car l’avènement d’une société postindustrielle n’y résulte pas « d’un développement par lequel le capitalisme se dépasserait lui-même », mais uniquement d’une destruction due à des facteurs externes, du type effondrement écologique ramenant à un ordre prétendument naturel et bon par définition [38]. Au contraire, avance-t-il, la croissance est depuis une bonne dizaine d’années porteuse de sa critique interne puisque l’économie de la connaissance est la crise du capitalisme.

Intéressé par la reprise d’interrogations fondamentales ayant émergé au début des années soixante-dix – par le mouvement pour la décroissance notamment, il se pose aujourd’hui le problème de la jonction entre d’une part l’écologie radicale, ceux qui mettent en avant la destruction des ressources naturelles, des sociétés et des cultures et, d’autre part, l’anticapitalisme passant par une critique de la valeur ou, dit autrement, ceux qui s’intéressent à la mutation/crise du capitalisme [39].

Une précision importante sur ce point : la liberté ne saurait en aucun cas résulter pour Gorz d’une mutation technologique ; c’est bien le projet politique, social, éthique soutenant sa mise en œuvre qui va favoriser l’épanouissement personnel et collectif. La capacité ou au contraire l’incapacité à l’articuler décidera si nous sombrerons dans la crise ou si nous verrons un espace de plus en plus étendu d’activités autodéterminées et une civilisation de la coopération auto-organisée. Dès lors, la question, d’ordre politico-culturel, est celle des individus et des groupes qui expérimentent une alternative radicale, insiste Gorz. La société alternative doit prendre racine dès aujourd’hui dans des « révolutions moléculaires », selon l’expression de Félix Guattari qu’il aime à citer, autrement dit, dans des expérimentations sociales à grande échelle faisant entrevoir une société abolissant le salariat. Dans le même mouvement, et partant de buts ultimes et radicaux à atteindre, des politiques intermédiaires (temps, ville, éducation, etc.) doivent être menées pour favoriser l’élargissement d’espaces échappant à la logique économique. En bref, alternatives locales concrètes, instruments politiques et changement des mentalités s’influencent réciproquement/mutuellement.

Dans Adieux au prolétariat, le sujet possible de l’abolition de la société salariale était désigné, en pied de nez aux idéologies prolétariennes, comme « la non-classe des non-travailleurs », ceux qui ne s’identifient pas à leur travail ; depuis Misères du présent, richesse du possible, le changement des mentalités est principalement incarné par les « dissidents du capitalisme numérique » qui lui semblent porter une autre vision de la société. Ce prolétariat numérique est constitué, comme le prolétariat postindustriel d’Adieux au prolétariat, de déclassés volontaires. La communauté hacker fait partie, note-t-il, des mouvements fondés sur des alliances transversales qui s’efforcent de s’affranchir de la logique du capitalisme – Via campesina, le mouvement zapatista, les SEL, etc. – car « les révolutions sont faites – quand elles sont faites – par l’alliance des plus opprimés avec ceux qui sont le plus conscients de leur aliénation et de celle des autres [40]. » La place centrale accordée à ces dissidents en particulier fera sans nul doute froncer plus d’un sourcil et il nous reste donc à préciser en guise de contribution au débat en quoi, chez Gorz, le hacker est la figure emblématique de l’appropriation collective, désormais possible, du travail, et le modèle d’« artisanat hi-tech », la voie de sortie hors de l’industrialisme productiviste.

Les outils du changement
Dans les années quatre-vingt, au moment où il théorisait l’hétéronomie et le caractère non appropriable du travail, Gorz soutenait que, bien que la puissance accrue de la technique empêche le travailleur de connaître et de contrôler la finalité de ce qu’il fait, elle est un prix acceptable à payer dans la mesure où, en accroissant l’efficacité du travail, elle permet d’économiser du temps et de la peine au profit du développement d’activités qui sont, elles, sources de sens.

Par ailleurs, une économie caractérisée par un large degré d’auto-détermination (self-reliance) et d’autoproduction coopérative dans tous les domaines de la vie quotidienne, alliées à une consommation minimale, suppose des outils adéquats. Or, ces derniers sont maintenant fournis par les développements de l’informatique qui permettent de produire ce qui est susceptible de satisfaire une gamme étendue de besoins dans des ateliers communaux, comme le démontrent déjà les expérimentations suscitées par Frithjof Bergmann ainsi que les pratiques des communautés anarcho-communistes des logiciels libres [41]. Dans ces dernières, « la division du travail en tâches spécialisées et hiérarchisées est virtuellement abolie, de même que l’impossibilité dans laquelle se trouvaient les producteurs de s’approprier et d’autogérer les moyens de production. La séparation entre les travailleurs et leur travail réifié, et entre ce dernier et son produit, est donc virtuellement abolie, les moyens de production devenant virtuellement appropriables et susceptibles d’être mis en commun [42] ».

Autrement dit, la production d’une grande partie du nécessaire qu’il assignait essentiellement aux techniques de production et, par implication, aux modes d’organisation du travail hétéronomes, est désormais envisageable dans la perspective d’une économie de la gratuité et de la mise en commun très largement démonétarisée, une économie affranchie de la loi de la valeur. Il s’agirait d’une société de l’information laissant les individus d’autant plus libres pour des activités créatrices, régie non par le critère du profit, mais par le critère de l’utilité et de la désirabilité des productions. C’est le sens de sa défense actuelle d’un modèle d’« artisanat hi-tech ». Elle lui semble favoriser une économie qui ne serait plus production de marchandises, mais de biens communs au service de l’épanouissement humain ; en un mot, une société au-delà des rapports marchands.

Notons pour terminer que cette option « hi-tech » n’exclut nullement de discriminer entre les techniques, puisqu’il s’agit toujours pour les communautés de choisir combien, dans quel but, mais également comment on produit. Gorz a distingué, à l’instar d’Illich, entre les technologies qui étendent le champ de l’autonomie, ou à l’inverse celles qui l’amenuisent, telles que les OGM, le nucléaire contre lequel il a milité dix années durant, ou les technologies convergentes soutenues aujourd’hui par le projet terrifiant d’une trans- ou posthumanité. Son langage a, là aussi, évolué avec le temps, mais il continue à poser la question des outils, notamment à travers l’opposition entre connaissance et science d’une part et savoir de l’autre : « La qualité d’une culture et d’une civilisation dépend de l’équilibre dynamique qu’elles réussissent à instaurer entre les savoirs intuitifs du monde vécu et le développement des connaissances. Elle dépend de la synergie, de la rétroaction positive qui s’instaure entre le développement des connaissances et des savoirs vécus. Elle dépend de la capacité qu’aura le développement des connaissances à augmenter la qualité du monde vécu [43]. »

Il ne fait aucun doute que les suggestions de Gorz pour reconstruire un monde vivable synthétisées ici soulèveront des questions. J’espère seulement qu’un réel débat pourra s’ouvrir, parce que la réflexion sur la décroissance ne peut que s’enrichir de l’examen de lectures hétérodoxes des mutations du travail et de l’emploi qui se placent d’emblée dans la perspective d’un dépassement de la logique capitaliste-industrialiste-productiviste.


[1Quant à ceux qui se sont engagés sur des chemins proches, ils l’interprètent de manière quelquefois erronée. Cf. par exemple : Amiech Matthieu & Julien Mattern, Le Cauchemar de Don Quichotte. Sur l’impuissance de la jeunesse aujourd’hui (Climats, 2004, p. 131).

[2Ses deux ouvrages Fondements pour une morale (1977, Seuil, mais rédigé au sortir de la guerre) et Le Traître (Seuil, 1958) ont établi les fondations philosophiques à ses écrits postérieurs et plus connus. Comme il n’existe aucun ouvrage offrant une présentation systématique de son œuvre en français, je me permets de renvoyer à mon livre : Une critique du travail. Entre écologie et socialisme (La Découverte, 2000), ainsi qu’aux ouvrages en langue anglaise : Finn Bowring, André Gorz and the Sartrean Legacy, Macmillan, Basingstoke, 2000 ; Conrad Lodziak & Jeremy Tatman, André Gorz : A Critical Introduction, Pluto Press, Londres et Chicago, 1997 ; Adrian Little, The Political Thought of André Gorz, Routledge, Londres et New York, 1996.

[3Seuil, 1959.

[4« L’écologie politique, une éthique de la libération. Entretien avec André Gorz », ÉcoRev’ n° 21, automne-hiver 2005-2006 : figures de l’écologie politique.

[5Chapitre 1 de Écologie et politique, Seuil, 1978, p. 36.

[6Trente ans plus tard, le diagnostic est le même : « Le travail salarié n’est pas seulement pour le capitalisme le moyen de s’accroître. Il est aussi, par ses modalités et son organisation, un moyen de dominer le travailleur. Celui-ci est dépossédé de ses moyens de travail, du but et du produit de son travail, de la possibilité d’en déterminer la nature, la durée, le rythme. Le travail marchandise engendre le pur consommateur de marchandises. Le travailleur dominé engendre le consommateur dominé qui ne produit plus rien de ce dont il a besoin [...]. Contraint de vendre tout son temps, de vendre sa vie, il perçoit l’argent comme ce qui doit tout racheter symboliquement. Si l’on ajoute que la durée du travail, les conditions de logement, l’environnement urbain, sont autant d’obstacles à l’épanouissement des facultés individuelles et des relations sociales, à la possibilité de jouir du temps de non-travail, on comprend que le travailleur réduit à une marchandise ne rêve que de marchandises. » Entretien avec André Gorz, en ligne : www. Unisinos. br/ihu (Universidade do Vale Do Rio Dos Sinos, Instituto Humanitas Unisinos) ou version papier : Cádernos IHU-IDEAS, année 3, n° 31.

[7Adieux au prolétariat. Au-delà du socialisme, Galilée, Paris, 1980, pp. 179-180.

[8Gorz a examiné, en détail et chiffres à l’appui, différents scénarios possibles de RTT. Cf. Capitalisme, socialisme, écologie. Désorientations, orientations, Galilée, 1991, chapitre 9 : « La réduction de la durée du travail comme contrat social ».

[9Il s’en explique notamment dans notre entretien in Une critique du travail, Entre écologie et socialisme, pp. 230-233.

[10Sous-titre : L’Agonie du capital, Galilée, 1983.

[11Tiré de son article dans ce numéro, pp. 51-59

[12Seuil, 1973.

[13Publié en 1964 et repris dans Réforme et révolution, Seuil, 1969.

[14« L’écologie politique, une éthique de la libération », p. 10.

[15Adieux au prolétariat, op. cit., pp. 10-11 respectivement pour ces deux citations.

[16C’est d’ailleurs le sous-titre de Métamorphoses du travail, quête du sens, Galilée, 1988. Je me référerai abondamment au chapitre 6 de mon livre Une critique du travail. Entre écologie et socialisme, op. cit., pour synthétiser cet aspect de sa problématique.

[17Capitalisme socialisme, écologie. Désorientations, orientations, op. cit., pour ces deux citations, pp. 38-39.

[18Galilée, 1997.

[19C’est l’objet de la digression « communauté et société », pp. 185-197.

[20André Gorz, Misères du présent, richesse du possible, op. cit., pp. 176-177.

[21Ibid., p. 177.

[22Ibid., p. 197.

[23Bien que Gorz ne se soit pas exprimé sur les débats actuels autour de la démocratie participative.

[24Cf. notamment : Vincent Jean-Marie, Critique du travail, PUF, 1987 ; Un autre Marx, Page Deux, Lausanne, 2001.

[25Parution 1990-1998, fondée par Jean-Marie Vincent, Denis Berger et Toni Negri.

[26Parution 1998-2000, trois numéros seulement.

[27Paraît depuis 2000, à l’initiative de Yann Moulier-Boutang.

[28Sous-titre : Connaissance, valeur, capital, Galilée, 2003.

[29Le Capital et, surtout, les Grundrisse, en particulier aux quelques pages connues comme le « fragment sur les machines » où apparaît le terme de general intellect ou « intellectualité de masse ».

[30L’Immatériel, op. cit., p. 17.

[31Ibid., p. 33.

[32Ibid., p. 47.

[33Ibid., p 46.

[34Misères du présent, richesse du possible et L’Immatériel contiennent de longs développements sur le prototype du travailleur postfordiste, cet entrepreneur de soi qui met au travail toute sa vie, et donc sous l’emprise de la valeur. Cette analyse recoupe les observations de la sociologie contemporaine du travail. Celle-ci théorise les formes contemporaines du travail comme mobilisation totale de la subjectivité, après son refoulement à l’époque fordiste.

[35Il est absolument essentiel pour saisir cet argument de comprendre la distinction entre travail productif et travail improductif. Nous renvoyons une fois encore à la contribution de Gorz dans ce numéro.

[36Cf. détails dans sa contribution. Cette appréhension est partagée par d’autres observateurs. Pour une présentation des risques colossaux attachés à cette création monétaire affectée à la consommation américaine ainsi que des racines éthiques de l’attitude des américains envers le surendettement, voir : Jorion Paul, « L’endettement excessif aux États-Unis et ses raisons historiques », La Revue du MAUSS, n° 27, 1er semestre 2006, pp. 322-342.

[37Misères du présent, richesse du possible, op. cit., p. 140.

[38Capitalisme, socialisme, écologie. Désorientations, orientations, op. cit., pp. 27-28.

[39Correspondance privée avec l’auteur, 5-6 septembre 2005.

[40L’Immatériel, op. cit., p. 98.

[41Abordé par Gorz dans sa contribution à ce numéro.

[42L’Immatériel, op. cit., pp. 20-21.

[43Ibid., p. 109.