La technique et la marchandise sont les deux faces de la même médaille. La technique a contribué à faire de la planète un territoire à asservir. La raison instrumentale de domination du monde n’est pas un modèle viable. Tous les indicateurs objectifs de cette perversion de la raison sont dans le rouge : crise climatique, effondrement de la biodiversité, accroissement des inégalités… La démocratie, la citoyenneté et la solidarité sont menacées. Face aux technophiles, il ne s’agit pas d’entonner la complainte des technophobes, mais de retrouver, pendant qu’il en est encore temps, le sens de la mesure et la mesure du sens de « la cause commune ». L’analyse critique des origines, des pratiques, des effets sociaux et écologiques de la technique est indispensable. Le monde de la virtualité techniciste n’a pas moins de limites que le monde réel. Le rôle et les orientations de la recherche doivent être soumis aux véritables attentes d’une société de responsabilité et de fraternité. L’objection de croissance donne à cette exploration une liberté d’interprétation, d’imagination et de proposition qui fouette l’esprit et repousse la fatalité. Son exigence est théorique, politique, pratique et poétique.
Il ne suffit jamais de se dire « puisque notre cause est juste, elle triomphera ». À supposer qu’il y ait bien des conditions de validité des causes, des valeurs, des concepts ou des idées, il existe parallèlement des conditions de « visibilité » pour ces mêmes objets, conditions qui n’ont rien à voir avec leurs contenus, mais dont dépend leur réception aujourd’hui. Ainsi en est-il des concepts aussi puissants que progrès, science, technique, développement, mais encore patrie, nation, (…)
« Mein Gott, faut-il être bête pour dire cela ! » Edgar Poe « Sont-ils fous, cria une voix sur notre pont, cherchent-ils leur ruine ? » Thomas de Quincey « Perspicere : voir à travers. » « Perspicace : qui aperçoit ce qui est difficile à voir. » Dictionnaire Larousse
Les vigies : Le romancier Milan Kundera relevait que « la portée existentielle d’un phénomène social est perceptible avec la plus grande acuité non pas au moment de son expansion, mais quand il se trouve à ses débuts, (…)
Retour sur un conditionnement programmé Une stratégie de sortie de la logique de croissance nécessite une interrogation sérieuse sur le rôle des technologies qui se sont imposées depuis un bon demi-siècle dans le paysage économico-politique des pays industrialisés, et pour nombre d’entre elles dans notre vie quotidienne. Il n’est pas abusif de prétendre que l’irruption de nouvelles technologies invasives dans nos sociétés industrialisées a systématiquement fait l’objet d’une promotion (…)
Si un prêt à penser de gauche existe, qui a peu évolué depuis le XIXe siècle, c’est celui relatif à l’empire du marché comme fondement unique du capitalisme mondialisé. L’idéologie néo-libérale expliquerait l’existence d’une logique économique univoque recherchant le profit maximum par le jeu d’un système généralisé de production, d’échange de biens et de services fondé sur la recherche permanente d’une meilleure compétitivité afin d’augmenter le capital. L’État et la technique ne seraient (…)
Si la question énergétique se voit aujourd’hui propulsée sur le devant de la scène médiatique et politique, le débat ne porte essentiellement que sur les sources d’énergies probables, souhaitables ou encore envisageables. Des énergies renouvelables (EnR) au nucléaire, en passant par les projets de la technoscience aussi démesurés qu’inutiles (hydrogène, « charbon propre », ITER, etc.), la question posée reste « quoi » bien plus que « comment ». Et pour cause, s’interroger sur les (…)
Au début de l’année 2006, l’IUCN (Union Mondiale pour la Nature) lança un débat sur les bases conceptuelles de son action. La proposition initiale était ainsi formulée : la notion de développement durable a-t-elle un sens ? La réponse est ambiguë : « Le concept est holistique, attractif et élastique [...]. Il est clair que le terme développement durable en signifiant tout ne signifie rien », or, cette organisation avait largement participé au lancement de cette notion.
Ces doutes expriment (…)
On peut difficilement imaginer que certains éléments de la machine du progrès demeureraient indemnes de nouvelles conditions économiques, et des nouveaux paradigmes de sociabilité qui en découlent. Ce n’est pas seulement la carence du pétrole et la réalité de l’effet de serre qui appelleront des solutions novatrices, c’est aussi la leçon des échecs de l’ère industrielle, l’évidence qu’il faut réviser les certitudes du « progrès », et l’instauration de nouvelles règles pour la vie de chacun (…)
Pour Jacques Testart, il est urgent que la pensée de la décroissance intègre une réflexion qui débouche sur des propositions concrètes dans le domaine scientifique et dans les champs spécifiques que sont : la procréation, la contraception, la stérilisation, la sélection, la correction, la reproduction, la modification, la création. Autant de secteurs de recherches porteurs de promesses, mais aussi lourds de menaces. Il s’agit d’espérer qu’une autre « biopolitique » soit possible dans un (…)
La critique du complexe technoscientifique semble faire l’unanimité parmi les objecteurs de croissance. Cette posture est grosse cependant de sous-entendus et parfois même de malentendus.
Je ne reviendrai pas ici sur la logique des systèmes techniciens considérant ce savoir comme acquis. J’insisterai en revanche sur le danger que fait courir à la décroissance une posture technophobe (malheureusement assez commune dans nos réseaux), d’autant plus qu’elle masque parfois une soumission à (…)
Au cours de la nuit du 3 décembre 1984, une série d’accidents techniques dans une usine de pesticides de la banlieue de Bhopal a produit l’émission d’un nuage de 35 tonnes de gaz toxique. La contamination a provoqué la mort de quelque 4 000 personnes et l’empoisonnement de plusieurs autres milliers. La tragédie de Bhopal représente le pire désastre de l’agriculture moderne. Un article sur les conséquences de la modernisation agricole, ne peut commencer autrement que par le récit de cette (…)