Échelle humaine et territoires

lundi 29 mars 2010, par Entropia

« Insidieusement, le concept de territoire ne participe-t-il pas à
l’effacement des horizons infinis ? Avons-nous oublié que toute étendue
de terre n’est pas seulement un territoire ? » C’est en paysagiste
conséquent que David Besson-Girard pose ces questions. Il nous invite
à une promenade philosophique autour de Versailles, paysage emblématique
entre tous d’une tentative pour installer une réciprocité entre
l’homme et la terre. En rassemblant les signes de notre temps, ceux de
la décroissance et ceux qui donnent des raisons d’espérer, « imaginons
qu’ils pourraient faire ensemble un projet unique et cohérent, plus
qu’un projet de ville, un projet de terre. »

Zygmunt Bauman, quant à lui, s’interroge sur la question de la souveraineté
en fonction des échelles territoriales, et considère que « le
moment est venu de remplacer le concept de société du risque par celui
de société globale incertaine… ». L’entropie négative étant devenue
l’objet de toutes les convoitises à l’heure de la mondialisation, il en
appelle à la création d’institutions législatives, exécutives et juridiques
mondiales afin de « restaurer la commensurabilité du pouvoir et de la
politique », la seule issue pour contrer l’irresponsabilité du modèle
dominant conçu sur le modèle du « chacun pour soi » et « après moi le
déluge ».

La taille des territoires et de leurs populations est une question fondamentale
pour Kirckpatrick Sale. S’appuyant sur des constats comparatifs, à l’échelle internationale, il en vient à énoncer la « loi » suivante :
« La misère économique et sociale croît en proportion directe avec la
taille et le pouvoir du gouvernement central d’une nation. » À travers
un bref survol historique centré sur l’Europe entre le XIIe siècle et les
années 1970, l’auteur parvient à la conviction que plus un État est
grand, plus les catastrophes économiques et les pertes militaires sont
importantes. Aujourd’hui, selon l’auteur, « L’unique espoir réside dans
la sécession ».

Non sans se référer aux auteurs des deux précédentes contributions
Philippe Gruca revisite en l’actualisant la question anthropologiquement
centrale de « l’échelle humaine ». Nous vivons tous un bouleversement
quasiment incompréhensible dans notre manière d’habiter les
territoires. Pour réenchâsser la société dans notre vie quotidienne, « ce
que nous pouvons d’abord faire, sur le plan des aménagements visant
à nous conférer une meilleure intelligence de notre monde proche,
c’est encourager une esthétique des liaisons apparentes, c’est-à-dire
une esthétique qui nous mette face aux choses auxquelles nous sommes
quotidiennement reliés ».

C’est avec le regard et la pratique d’un architecte que Christophe
Laurens
constate que « la grande promesse de la modernité, celle d’une
émancipation globale de l’humanité vis-à-vis du monde organique est
loin d’être tenue ». Dans l’acte d’habiter, La relation entre l’homme et
le fond, le paysage ou le territoire, suppose l’existence d’une antériorité
du fond. Mais, « cette manière de situer l’essence de l’humanité dans
sa relation avec la terre, en peignant simultanément la tension entre
l’art et la vie et l’indécidabilité de la limite entre l’homme et le paysage
a déjà quelque chose d’ancien, de démodé ».