La technique et la marchandise sont les deux faces de la même médaille. La technique a contribué à faire de la planète un territoire à asservir. La raison instrumentale de domination du monde n’est pas un modèle viable. Tous les indicateurs objectifs de cette perversion de la raison sont dans le rouge : crise climatique, effondrement de la biodiversité, accroissement des inégalités… La démocratie, la citoyenneté et la solidarité sont menacées. Face aux technophiles, il ne s’agit pas d’entonner la complainte des technophobes, mais de retrouver, pendant qu’il en est encore temps, le sens de la mesure et la mesure du sens de « la cause commune ». L’analyse critique des origines, des pratiques, des effets sociaux et écologiques de la technique est indispensable. Le monde de la virtualité techniciste n’a pas moins de limites que le monde réel. Le rôle et les orientations de la recherche doivent être soumis aux véritables attentes d’une société de responsabilité et de fraternité. L’objection de croissance donne à cette exploration une liberté d’interprétation, d’imagination et de proposition qui fouette l’esprit et repousse la fatalité. Son exigence est théorique, politique, pratique et poétique.
L’idéologie de la croissance a contaminé la sphère de la « vie » numérique. Avec Second Life , une nouvelle sphère d’activité économique est née, brassant des millions de dollars [][1 941 405 173 Linden dollars en circulation, convertibles en dollars au taux de 250 Linden dollars pour un dollar US.]], engageant des compétences professionnelles variées mais surtout, des travailleurs. Cette activité, cette consommation, ces énergies ne se réalisent pas dans le monde réel. Des personnes (...)
Introduction Dans les domaines de plus en plus nombreux concernés par la grande technologie, la décroissance opère déjà d’elle-même, loin des projecteurs et sur un mode mineur, mais en profondeur. Seuls quelques « signaux » dits « faibles », comme l’on parle de « conflits de basse intensité », nous en informent. Ce qui est en jeu, c’est la destruction rapide et pourtant invisible des différentes médiations sociales qui permettent aux macro-systèmes techniques de rester en phase avec la (...)
Introduction Les technologies de l’information se généralisent dans un grand nombre de domaines de la vie collective et domestique. Entre 1993 et 2000, le nombre de PC par habitant a augmenté de 181 %. En avril 2002, le milliardième PC a été livré . Le nombre de PC dans le monde devrait être porté à 1,3 milliard d’ici 2010, contre près de 900 millions aujourd’hui . Des pays comme l’Indonésie s’équipent au rythme de +40 % par an. Au Mexique la population possédant un ordinateur devrait (...)
« Les technologies de l’information et de la communication (TIC) véhiculent une image de légèreté et d’absence de friction. Les coûts de transaction et les frais de transport sont ramenés quasiment à zéro. Leur effet sur l’écologie planétaire semble être nul. Mieux, elles permettent d’observer la planète et ses évolutions de loin, sans avoir l’air d’y toucher. Est-ce réellement le cas ? » Fabrice Flipo s’emploie à contester cette idée reçue en constatant que les TIC, comme c’est le cas (...)
« Ici, en Occident, où la passion explicative transforme les objets, y compris esthétiques, en cadavres, le délire explicatif thechno-scientifique-économique a pris la place causale des arrangements de la Référence que nous appelons mythes et religions. » Pierre Legendre
De l’ambiguïté originelle et constante entre art et technique Le mot art, pour les philosophes, les théoriciens, les critiques et les sociologues, est une notion abstraite relativement récente. Elle fut précédée par une (...)
Le modèle du monde qui habite le cerveau de l’Occidental moyen est que le marché, la technologie et l’inventivité humaine parviendront à résoudre tous les problèmes qu’affronte aujourd’hui l’humanité, notamment la fin des énergies fossiles à bon marché et le changement climatique. Je ne connais pas de pire aveuglement. Si nous voulons conserver les valeurs cardinales de notre civilisation que sont la paix, la solidarité et la démocratie, nous avons au contraire peu à attendre de la (...)
Étymologiquement, rien de plus « anecdotique » que l’anthropologie. Car ce sont ses données de terrain « inédites » (an + ekdidonai : « non publié »), aux apparences anodines, qui inspirent et interpellent l’anthropologue quant à ce que fut, est ou pourrait être la logique humaine. Encore faut-il qu’il en ait cueilli ad rem – en l’occurrence sur les rapports entre « technologie et (dé)croissance ». Or, cet anthropologue-ci n’est pas parti sur son terrain en 1969 enquêter sur le mode de (...)
La pensée de la décroissance n’est pas technophobe. Si elle s’inquiète de la surenchère technologique caractéristique de l’époque moderne, c’est parce que les qualités humaines aliénées par la technologie se trouvent être précisément celles de l’homo-faber dont la pensée, maîtresse de ses fins, s’attache à la juste appréciation des moyens correspondants.
Technique et limitation L’aptitude technique, dont un projet de décroissance devrait promouvoir la reconquête, résulte par essence (...)
L’affirmation des droits subjectifs et la construction d’un ordre social et politique destiné à permettre à chacun de maximiser ses intérêts, à savoir de produire et de consommer le plus possible, ont progressivement trouvé dans le marché et le progrès technologique leur domaine d’expression naturel. Au point d’ailleurs qu’il est devenu possible, comme l’atteste le modèle asiatique de développement, de séparer marché et progrès technologiques, de l’ordre politique hérité de la philosophie (...)
Préambule sur le temps et la décroissance Avant d’entrer dans le vif du sujet, il me semble nécessaire de préciser, très brièvement, ce que je pense de la notion de décroissance pour que ne soit pas mal interprétée l’argumentation. En premier lieu, la décroissance ne peut en aucun cas être considérée comme un retour en arrière, je me démarque donc de la théorie dite de l’Olduvai (retour à l’époque des cavernes), chère à certains écologistes anglo-saxons. Le temps n’existe pas et je (...)